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Réalités scandinaves

Ericsson, une corruption assumée ?

January 15 2015 , Written by Baudoin Published on #Ericsson, #Suède, #Télécom, #corruption

Ericsson, une corruption assumée ?

Au mois de décembre dernier, l’entreprise suédoise Ericsson a publié un petit rapport intitulé 10 hot consumer trends 2015. Il est ici question des dix tendances technologiques qui devraient marquer 2015, de l’e-santé au tout connecté, en passant par l’invasion du streaming comme mode de consommation. En jouant les Nostradamus, l’entreprise, née à Stockholm au XIXème siècle, rappelle que sa vision fut toujours tournée vers le futur et l’innovation. L’occasion de revenir sur l’histoire du groupe, ses bons, comme ses mauvais côtés.

Ericsson : du télégraphe à la téléphonie mobile

En 1876, alors âgé de 30 ans, Lars Magnus Ericsson crée un petit atelier de réparation et de fabrication de télégraphe dans le centre-ville de Stockholm. Deux ans plus tard, convaincu par le téléphone, dont une première démonstration publique a eu lieu en Suède en 1877, il décide de créer ses propres modèles. L’entrepreneur a non seulement du flair, mais il est également malin : habitué à travailler sur des téléphone de la marque Bell, il s’en inspire grandement pour son premier modèle et profite du fait que l’entreprise américaine n’ait pas déposé de brevet en Scandinavie. En 1881, il lui souffle d’ailleurs un important contrat d’équipement qui lance définitivement l’entreprise. Cette année-là, Ericsson s’exporte même en Norvège et en Russie, le début d’une longue expansion.

Les années 1880 et 1890 sont marqués par la croissance de l’entreprise grâce à sa capacité d’innovation : des modèles originaux voient le jour et remportent un franc succès, notamment en 1893 avec un téléphone bénéficiant de technologies inédites et servant pour la première fois de véritable objet de décoration. Lesdites innovations font aujourd’hui sourire (il s’agit d’un système plus ergonomique pour composer les numéros ainsi que d’un boitier amovible) mais elles préfigurent la capacité d’Ericsson a toujours aller de l’avant. Grâce à ses réussites, l’entreprise emploie plus de mille employés à partir de 1900 et attaque les marchés américain et mexicain dans la foulée.

1918 marque une étape importante, puisque Ericsson diversifie ses activités après une fusion avec Stockholms Allmänna Telefonaktiebolag (SAT). Cette dernière, spécialisée dans les équipements (notamment les lignes téléphoniques), permet à l’entreprise dirigée par Lars Magnus Ericsson de contrôler ses activités de A à Z. La suite est jalonnée d’innovations diverses mais relativement peu décisives en cela qu’elles n’ont rien de révolutionnaires.

En revanche, la firme s’exporte de plus en plus à l’international au fur et à mesure que la téléphonie se démocratise. En 1988, elle emploie 85 000 personnes dans 80 pays. Douze ans plus tard, en 2000, ce sont plus de 100 000 salariés répartis dans 140 pays ! Les ventes sont pratiquement décuplées, passant de 31 à 274 milliards de couronnes, tandis qu’Ericsson est le premier fournisseur mondial de système 3G, s’exportant plus que ses rivaux Nokia et Motorola. Une expansion indéniable certes, mais des résultats en trompe l’œil. Car à vouloir grandir à tout prix, l’entreprise implantée à Stockholm en oublie la notion de rentabilité, ouvrant une nouvelle ère à partir de 2000.

Années 2000, une période de hauts et de bas

Ericsson est en quelque sorte un colosse au pied d’argile : une position dominante, des résultats hors normes, mais des signes inquiétants. Cette année-là, le groupe réalise encore des bénéfices (plus de 200 millions d’euros) mais la tendance depuis deux ans n’est pas bonne. Un an plus tard le couperet tombe : 200 millions de pertes sur l’exercice 2001. L’entreprise paie non seulement son développement tous azimuts, mais aussi une baisse dramatique de ses ventes : sur un an, son chiffre d’affaires chute de plus de 25%, poussant l’entreprise à mettre en place un plan social sans précédent. Entre 2000 et 2003, Ericsson réduit ses effectifs de moitié, passant de 107 à 52 000 salariés !

En avril 2003, tandis que le marché du téléphone est moribond, Carl-Henric Svanberg devient le nouveau PDG du groupe. C’est la première fois depuis 1940 qu’un acteur étranger au monde des télécoms accède à ce poste, un véritable pari pour le groupe. Après une année 2003 difficile pour tout le secteur, l’année 2004 est exceptionnelle pour Ericsson. L’entreprise est désormais assainie après ses vagues de plans sociaux et la demande repart, tandis que les marges d’exploitation explosent (sans doute la plus grande réussite de Carl-Henric Svanberg) : de 4,4% du chiffre d’affaires en 2003, celles-ci représentent 21,9% en 2004 !

Depuis, malgré quelques remous en bourse en 2007 puis en 2009, l’entreprise a repris sa marche en avant, avec un chiffre d’affaires et un bénéfice continuellement en hausse. La décennie est aussi marquée par l’alliance avec Sony pour former Sony Ericsson Mobile Communications en 2001. La joint-venture connait une progression fulgurante, se hissant même au 5ème rang des plus gros constructeurs de téléphone. Néanmoins, en 2012, le groupe suédois revend ses parts au Japonais pour un peu plus d’un milliard de dollars.

Des affaires de corruption qui entachent la réputation de l’entreprise

La décennie 2000 n’est pas seulement marquée par des hauts et des bas d’un point de vue financier, mais aussi par de nombreuses affaires de corruption. Les premières accusations à l’encontre d’Ericsson remontent à mai 2003, lorsque la justice suisse ouvre une enquête suite à des soupçons de corruption envers des fonctionnaires bulgares, libyens, polonais et slovènes. En cause, des irrégularités d’un montant de 470 millions d’euros dans les comptes officiels, irrégularités repérées par la banque UBS. Faute de preuve, les enquêteurs abandonnent leurs investigations et l’image de l’entreprise n’est pas réellement écornée. Un an plus tard, les mêmes autorités suisses se penchent de nouveau sur les comptes d’Ericsson, qu’elles accusent d’avoir fait transiter un milliard de couronnes suédoises (105 millions d’euros) vers la Russie. Une fois de plus les accusations demeurent à l’état de soupçons.

En 2007, deux nouvelles affaires viennent ternir l’image d’Ericsson : en novembre, la radio suédoise révèle en effet que l’équipementier en télécommunication aurait embauché, et ce depuis 1996, un homme d’affaires et ancien député pour obtenir des contrats en Algérie. Djilali Mehri, homme de réseau influent dans la sphère politique, aurait ainsi touché plus de deux millions d’euros de commissions en échange de son aide, une aide qualifiée comme étant « à la limite de la corruption » par Transparency International. L’information tombe au mauvais moment puisque l’entreprise suédoise est, en parallèle, accusée d’avoir versé un pot-de-vin à un fonctionnaire à Oman dans les années 1990. Considérant l’affaire prescrite, la justice ne poussera pas plus loin ses investigations : une fois de plus l’entreprise s’en sort bien.

Des cas de corruption ont également été révélés ces dernières années en Roumanie, en Chine, au Costa Rica ou encore en Grèce, toujours des histoires de commissions occultes sur des contrats d’envergure. En clair, le futur d’Ericsson risque d’être mouvementé même si l’entreprise – pour le moment – n’est pas concernée par l’affaire LuxLeaks. Jusqu’à quand ? En outre, cela n’est pas sans rappeler la légèreté d’un autre acteur de la téléphonie, lui aussi scandinave : TeliaSonera.

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