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Réalités scandinaves

Norsk Hydro : comment la Norvège protège et détruit en même temps la forêt amazonienne

June 10 2014 , Written by Baudoin Published on #Norvège, #Nork Hydro, #Aluminium, #Brésil, #Environnement, #Pollution

Norsk Hydro, nouveau symbole du double langage norvégien ?

Norsk Hydro, nouveau symbole du double langage norvégien ?

Bauxite, fer, niobium, tantale, étain, manganèse, alumine… La liste des minerais exploités au Brésil est sans fin. Ainsi, l’extraction minière compte aujourd’hui pour 50 % du total des exportations brésiliennes, dont 82 % pour le seul minerai de fer, mettant le pays sur le podium mondial (395 millions de tonnes produites en 2011). Selon la Brazilian Mining Association (IBRAM), 68,5 milliards de dollars d’investissements sont donc attendus entre 2011 et 2015 dans le secteur minier au Brésil. Ainsi, la plupart des géants du secteur minier sont présents pour profiter de cette manne extraordinaire, dont la société norvégienne Norsk Hydro, spécialisée dans l’aluminium, de son extraction jusqu’à sa transformation. En 2011, cette dernière a racheté Alunorte, l’usine d’aluminium la plus productive au monde. Mais aussi une des plus polluantes.

La saga Norsk Hydro

Financée par des capitaux français et suédois, la saga Norsk Hydro débute  en 1905 avec l’industrialisation d’un procédé de fabrication de fertilisants à partir d’une nouvelle technologie de fixation de l’azote par l’air, le procédé Birkeland-Eyde. Cette technique étant très coûteuse en énergie, la société entreprend alors la construction de centrales hydroélectriques et ouvre sa première usine en 1907. D’autres suivront avant que, dans les années 1920, le procédé Birkeland-Eyde soit dépassé par la technologie Haber-Bosch, développée la société allemande IG Farben qui, à la suite d’un partenariat technologique en 1927, prend finalement le contrôle de la société norvégienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, l’usine de Rjukan, qui fabrique l’eau lourde (oxyde de deutérium) nécessaire à la recherche sur la bombe atomique, fait d’ailleurs l’objet d’une lutte féroce entre l’Allemagne et les Alliés qui aboutira à diverses opérations militaires appelées « Bataille de l’eau lourde ».

A la fin de la guerre, Hydro Norsk étend ses activités à l’énergie (hydroélectricité, gaz, pétrole) et à la production de métaux légers comme le magnésium d’abord, puis l’aluminium. En 1970, l’industrie pétrolière et l’aluminium deviennent ses principaux axes de développement à l’international. En 2000, la société se restructure : sa division fertilisants et gaz devient indépendante en 2004 sous le nom de Yara International et son activité pétrolière fusionne avec la société norvégienne Statoil en 2007. En 2013, Norsk Hydro fusionne une de ses divisions avec son principal concurrent, la société norvégienne Orkla Group, pour former le Sapa Group, leader mondial du marché de l’extrusion d’aluminium profilé. Avec 64,8 milliards de couronnes norvégiennes de chiffre d’affaires en 2013 (7,8 milliards d’euros) et ses 12 500 employés à travers 50 pays, Norsk Hydro fait partie des principaux producteurs mondiaux d’aluminium. Grâce à ses 100 ans d’expérience de l’hydroélectricité, elle est également la seconde productrice d’énergie en Norvège.

The Hydro Way : extraction minière et respect de l’environnement

L’industrie d’extraction minière possède une réputation extrêmement défavorable du point de vue environnemental. Pour les experts, les pollutions engendrées (déchets, défrichage, utilisation et rejet massif de produits chimiques, appauvrissement du sol...) « représentent un danger pour les décennies à venir ». Néanmoins, Norsk Hydro fait plutôt figure de société responsable. En effet, en 2011 et 2012, elle a été respectivement classée au 46e et 10e rang du Global 100 Index, un classement des multinationales réalisé par le Corporate Knights Magazine en fonction de leur politique de développement durable, tant sur le plan social qu’environnemental.

Ce bon classement résulte de la politique proactive de Norsk Hydro en matière d’environnement. Consciente des nuisances provoquées par son activité, la société a mis en place différentes mesures pour limiter son impact environnemental. Au Brésil, elle procède à un reboisement systématique des parcelles défrichées, en élevant sous serres et en replantant plus de 150 espèces de végétaux, soit 300 000 plantes par an, afin de restaurer la biodiversité originelle du site. Elle bénéficie également de partenariats avec des ONG environnementales réputées, comme le WWF, avec laquelle elle a mené une opération de récupération d’aluminium destinée au recyclage. Ces efforts se traduisent enfin par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, passées de 7,3 millions de tonnes de CO2 en 2012 à 6,9 en 2013, soit une baisse de 4 %. Des objectifs en adéquation avec les propos de Sven Richard Brandtzaeg, président et CEO de Norsk Hydro, pour qui « le profit et [le respect de] l’environnement ne sont pas opposés, mais peuvent au contraire aller de pair ».

Alunorte : la réalité brésilienne

Le rachat en 2011 d’Alunorte, une usine d’extraction d’alumine et de bauxite située sur le Rio Tocantins, près de Belém en Amazonie, a d’abord été interprété par les acteurs locaux comme un motif d’espoir. Percluse de dettes – 700 millions de dollars (505 millions d’euros) –, l’usine de Vale, le géant brésilien de l’extraction minière, menaçait en effet de fermer, entraînant le licenciement de 3 600 employés. L’opération de rachat, d’un montant total de 5 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros), dont une prise de participation de 22 % de Vale dans le capital de Norsk Hydro, a permis la conservation du site qui, avec 6,3 millions de tonnes d’aluminium écoulés par an, est le plus productif au monde. Pour Norsk Hydro, il s’agit d’une des plus grandes opérations financières réalisées par une entreprise norvégienne, en même temps qu’une aventure industrielle puisque jusqu’ici, le groupe n’avait que peu d’expérience dans l’extraction directe.

Mais l’arrivée de la société norvégienne, malgré ses engagements, n’a pas diminué les critiques sur l’impact environnemental de l’usine sur la forêt amazonienne. L’extraction de bauxite et d’alumine est en effet extrêmement polluante. D’une part, elle nécessite le défrichage de milliers d’hectares de forêts tropicales primaires, soit l’équivalent de 250 terrains de football abattus chaque année ! Or, malgré l’ambition du programme de reforestation, la biodiversité de cette forêt replantée ne sera jamais restaurée. D’autre part, le raffinage, à l’aide de produits chimiques, produit une quantité énorme de déchets dont les déversements accidentels peuvent avoir des conséquences dramatiques. En juin 2012, 6 000 plaintes ont été déposées pour une pollution survenue en avril 2009 : suite à de fortes précipitations (105 mm en 90 minutes), des milliers de tonnes de boue rouge, résidus de l’extraction de la bauxite, se sont répandues dans les rivières alentour, provoquant une pollution sans pareil.

Si Norsk Hydro n’est pas responsable de cet événement – Vale avait refusé à l’époque de payer l’amende de 20 millions de réis brésiliens (6,5 millions d’euros) –, la société norvégienne a également subi des critiques, puisque le 1er avril dernier, elle s’est vue retirer pendant plusieurs jours son permis d’exploitation. Selon les autorités brésiliennes, les émissions de poussière d’alumine lors du chargement des bateaux sont trop importantes par rapport aux normes en vigueur. Les conséquences indirectes de cette production sur l’environnement sont encore plus inquiétantes. L’extraction de l’aluminium nécessite en effet d’importantes ressources énergétiques. Or, au Brésil, cette énergie provient essentiellement de grands barrages hydroélectriques, qui posent d’importants problèmes sur le plan écologique et social. Par exemple, la construction du futur barrage de Belo Monte devrait entraîner l’inondation de 516 kilomètres carrés de forêt tropicale primaire, et le déplacement de population de 20 à 40 000 personnes sur une surface de 1 522 kilomètres carrés. Pris dans sa globalité, le bilan écologique de l’usine Alunorte est désastreux.

La Norvège, prise au piège de ses contradictions

Dans ce contexte, s’il est difficile de comprendre le double langage pratiqué par Norsk Hydro, la position ambiguë de la Norvège est encore plus sujette à caution, selon l’ONG ICRA International. La Norvège est en effet très impliquée dans le soutien au Fonds pour l’Amazonie, mis en place par la Banque brésilienne de développement, dont le but est de réduire l’impact écologique des activités industrielles du bassin amazonien. Depuis 2009, elle a ainsi débloqué 758,6 millions de dollars pour financer l’organisation, étant, de loin, le plus gros contributeur devant l’Allemagne et la société brésilienne Petrobras. Une contribution écologique conforme aux valeurs scandinaves prônées par le gouvernement norvégien.

Or, dans le même temps, l’Etat norvégien possède 34,3 % du capital social de Norsk Hydro, par l’intermédiaire du Ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Pêche ! Comment alors expliquer cette incohérence autrement qu’en interprétant ce soutien au Fonds pour l’Amazonie comme la compensation des dégâts causés à l’environnement par Norsk Hydro ? Ou comme la condition sine qua none du rachat d’Alunorte par la société norvégienne ? Face à cette contradiction, les propos de Sven Richard Brandtzaeg prennent une tournure plus que cynique.

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J
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